Les
articles que je classe dans la série “Un peu de moi” n’ont aucune connotation
politique. Ils appartiennent tout simplement à aucune autre catégorie de ce
blog ou d’un autre que j’ai pu animer ou anime encore et à aucun projet. Ou
tout au moins celui-ci n’est-il pas encore né. C’est juste un besoin de
témoigner. D’écrire.
Mes obligations professionnelles
m’obligent à me rendre régulièrement à Paris. Si, plus jeune, j’adorais y aller
en voiture pour me frotter à la conduite très particulière des parisiens et
autres habitants des mégalopoles, je ne goute plus ce plaisir, si tant est
qu’il en soit un, pour privilégier les transports en commun, à commencer par le
train, puis le métro.
Le métro est un lieu qui m’a toujours
fasciné. Non par sa conception et sa gestion, remarquables, mais par sa
composition humaine. Toute notre civilisation s’y retrouve : d’honnêtes
gens, du moins je le suppose, même si leurs pensées ne le sont pas toujours,
des voyous, probablement de grands mais plus souvent des petits, qui croient
qu’effrayer des gamins, rudoyer une fille seule ou voler une personne âgée
relèvent du grand banditisme alors que ce ne sont que le signe qu’ils sont des
ratés, de pauvres types qui perdent leur vie alors qu’elle serait si utile
ailleurs, à commencer pour eux-mêmes. On y trouve aussi des commerçants,
déclarés ou non. Des artistes, de talent à naître ou de talents inexistants,
pour le moins incompris. Des mendiants, réels ou non. Mais ce que l’on trouve
le plus, ce sont des gens seuls, qui noient leur mal-être dans l’effervescence,
le mouvement, l’isolement d’autrui. Aujourd’hui, quand je rentre dans une rame
de métro, ce qui me choque le plus est le silence. Oh ! Il y a du bruit.
Celui des rails, des annonces, des gares, voire, parfois, de la musique. Mais
peu de conversations. Peu d’échanges. Les rares que l’on entend sont les
monologues de clochards. Et encore. Evidemment, quand un groupe de collégiens
entre, il en est tout autre. Mais pas d’échanges entre des personnes qui ne se
connaissent pas et qui, pourtant, vont être amenées à partager un lieu
restreint pour un temps plus ou moins long. Puis la musique... En fait de
musique, il y en trois : celle du métro lui-même, dans certaines stations,
celles de mendiants, qui vous jouent sur un accordéon d’un autre âge, un air de
Piaf. Enfin, qui vous jouent... qui massacrent, pour la plupart, “La Vie en
rose” ou “Milord”. Le dernier type de musique est souvent plus inaudible
encore : c’est celle qui sort des Smartphones, souvent des plus jeunes.
Pour s’isoler du monde, beaucoup de jeunes gens s’enferment dans leur tour
d’ivoire de ces appareils numériques. Les plus âgés préfèrent la littérature.
Ou ce qui y ressemble (je ne parviens pas à classer la dernière production de
Valérie Trierweiler dans cette catégorie). D’autres préfèrent le cours de leurs
pensées (“Qu’est-ce que je vais faire à manger ce soir ?”, “Elle est pas
mal, la Nathalie de la compta”, “Nietzsche a-t-il influencé la carrière de
Zidane ?”). L’avantage du livre est qu’il permet à autrui d’engager la
conversation. Dernièrement, j’étais cet autrui.
Le parcours de la gare
d’Austerlitz aux Champs Elysées, où m’attendait François Hollande (mais non, je
plaisante), via Bastille, est assez long. Dès Bastille, je me retrouve à toiser
(parce qu’elle est assise et moi debout, n’y voyez pas d’autre signification)
une belle jeune femme brune (elle aurait pu être rousse, blonde, chauve)
plongée en pleine lecture. Curieux de ce qu’elle lit, je m’aperçois, à la
faveur d’un besoin qu’elle a de consulter l’heure, qu’elle dévore un ouvrage de
Katherine Pancol, “Un homme à distance”. Intéressé par cette auteure, toujours
soucieux de lire la production d’un écrivain beaucoup lu pour comprendre
pourquoi (c’est comme ça que j’ai découvert Frédéric Dard et que je me vante
d’être probablement l’homme qui a le plus de San Antonio à Vierzon et que j’ai
lu Albert Camus sans l’apprécier), j’engage la conversation sur le livre. Mais
je devais probablement lui parler en serbo-croate des plaines ou paraître pour
un mauvais Casanova : je n’ai eu qu’en retour qu’un regard méprisant, à
tout le moins lourd de menaces. Confus, je n’ai su que m’excuser de l’avoir
importunée. D’avoir oser l’importuner. Probablement l’ignorance des provinciaux.
L’annonce de la prochaine station, l’ouverture des portes, la venue de
nouvelles tours d’ivoire m’isolent de ma lectrice. Nous ne sommes pas prêts de
casser les murs mais nous sommes de bons maçons pour en construire d’autres.
(*) Le titre fait référence au
film de Miloš Forman, “Vol au dessus d’un nid de coucou”, à voir et à revoir,
et au poème de Charles Baudelaire, “L’Albatros”. Et ceci n’a rien d’innocent.
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