C’est curieux : prendre le train, c’est un
peu comme faire de la politique. Les mêmes voyageurs peuvent s’y retrouver.
Ainsi, vous trouvez :
Ä Ceux qui veulent prendre le train : les électeurs, qui savent quand
voter, quand prendre le train. La plupart savent où ils veulent aller mais
certains ne sont pas contre étudier une autre destination, peu sûrs de celle
qu’ils avaient choisie par le passé ou dernièrement.
Ä Ceux qui savent où aller et qui veulent en convaincre leurs voisins,
avec des outils et des méthodes qui vont des douces aux beaucoup plus…
insistantes : les militants. Quand ils ne sont pas d’accord avec
la destination, leurs rencontres se soldent souvent pas des échanges verbaux
peu amènes. Quelquefois, les échanges ne sont pas seulement verbaux.
Ä Ceux qui ne savent pas s’ils prendront le train, qui resteront sur le
quai : les
abstentionnistes. Qui pensent que tous les chemins mènent à Rome,
alors pourquoi choisir ? D’autant que si tu ne vas pas à Rome, Rome
viendra à toi.
Ä Ceux qui ne veulent pas prendre le train : les anarchistes.
De droite, de gauche, du centre. Aux raisons aussi multiples qu’ils le sont
eux-mêmes. Ils appartiennent principalement à deux grandes familles : les
électeurs déçus, donc aigris, et les militants déçus, donc aigris. Bref, des
aigris qui n’envisagent pas que ce n’est pas parce que l’on n’a pas pris le bon
train que ce dernier n’existe pas.
Ä Ceux qui ne veulent pas prendre le train et qui en font la publicité :
les anarchistes
militants. De deux familles : les précédents aigris et qui le disent (“Je suis aigri
libre”), qui n’ont jamais eu le courage de proposer un autre voyage, qui ne
savent que fredonner, souvent avec fausses notes, quelquefois en vociférant, la
chanson d’Alain SOUCHON, “Jamais content”, et les vaches, magnifiques ruminants arrivés sur
terre pour délayer le chocolat matinal ou regarder passer les trains.
Ä Celui qui veut conduire le train : le candidat qui, une fois élu,
devient le maire, le conseiller, le député, le… Les appellations changent selon
les destinations. Le plus souvent, il a commencé comme militant, comme vendeur
de billet, gilet rouge, ouvrier des voies, chef de gare, … Puis, un jour, parce
qu’il le veut et que les autres le veulent, devient candidat.
Ä Ceux qui veulent conduire le train mais pour une autre destination.
Ou avec d’autres moyens : les candidats adverses. On y trouve le candidat libéral, qui veut vendre les
billets au prix le plus fort, selon le service, mais quelquefois pour une somme
modique, le principal pour lui étant que toutes les places du train soient
occupées. Le candidat communiste,
qui partage avec le libéral le même souci d’occuper le train. Sauf qu’il ne demande
pas l’avis aux voyageurs et qu’il les charge de force, se réservant par contre,
à lui et ses amis, les places de première. Le candidat trotskiste, semblable au candidat communiste et dont
l’unique différence est qu’il n’est pas le même. Le candidat socialiste, soucieux de mettre à côté de vous un voyageur
que vous n’avez pas choisi, qui ne vous a pas choisi, et qui ne veut pas aller
au même endroit que vous. Mais qu’importe : le paradis est pavé de bonnes
intentions. Les candidats communiste et socialiste s’échangent parfois la place
de conducteur suite à un accord secret que tout le monde connaît mais que
personne n’a vu, surtout pas les militants. Le candidat démocrate, soucieux d’emmener le plus grand nombre, comme
les autres, au prix le plus bas possible, pas comme les autres, souhaitant
conjuguer les notions de liberté, d’égalité et de fraternité. Un idéaliste
mais, comme a dit ce grand cheminot Charles DE GAULLE : “Ne faites pas de
rêves médiocres : ils sont les plus difficiles à réaliser”. Le candidat nationaliste, dont l’intérêt
n’est pas de remplir le train mais de le remplir uniquement de copies conformes
à lui-même, accessoirement de français. Mais de souche. Sur trois, quatre, cinq
générations. Le candidat écologiste,
qui veut que le train fonctionne à la salsepareille schtroumpf. On peut trouver
des candidats démocrato-écologistes et des candidats socialo-écologistes,
quelquefois des candidats libéro-écologistes, jamais un autre mélange. Sauf
chez les Bisounours. Et le candidat
anarchiste, qui dit qu’il ne conduira pas le train, qu’il n’emmènera
personne et qui donnera du lait aux buveurs de jus d’ananas en écoutant Jacques
BREL susurrer “Ne me quitte pas”, tout peut s’oublier… Accessoirement, on
trouve une vache, candidate à rien et qui se moque comme de sa première cloche
des trains qui passent.
Ä Celui qui veut conduire le train qu’un autre a préparé : l’opportuniste,
qui s’emmêle parfois les bras en retournant sa veste ou parfois les jambes en
retournant son pantalon. Mais souvent la tête en retournant ses idées. Ou les
idées des autres. Ou pas d’idées du tout.
Ä Celui qui veut prendre le train d’un autre et virer le conducteur :
le profiteur.
Il veut aller au même endroit que celui qui a créé le train mais veut le
conduire lui-même. Quelquefois, quand le courage lui manque (en fait, tout le
temps), il envoie un prête-nom, surtout quand ce dernier risque l’accident ou
de laisser le train en gare.
Ä Celui qui ne veut pas conduire le train mais qui veut bien être le conducteur
du train : le prête-nom. Accessoirement l’invité d’un dîner
pour présenter sa collection de tours Eiffel en allumettes. Ou une vache.
Ä Ceux qui ne travaillent pas, auxquels ont ne demande rien mais qui
pensent être, aux mieux, les aiguilleurs des voies, au pire, les vendeurs de
billets, mais qui siègent dans l’allée menant à des toilettes désaffectées :
les sages.
Parfois utiles. Surtout à eux-mêmes. Certains se réunissent dans des endroits
fermés pour porter un costume noir, des gants blancs et un tablier de même
couleur. Pas pour faire la vaisselle. Ni laver le linge sale. Même en famille.
Ä Ceux qui se prennent pour le panneau d’information : les représentants
des partis. Ils informent un peu, beaucoup, passionnément, à la
folie, pas du tout.
Ä Ceux qui se prennent aussi pour le panneau d’information : les bloggeurs
quand ils savent écrire, les twitters quand ils ne le savent pas. Ou peu.
Ou les révolutionnaires de comptoir, qui n’écrivent pas.
Ä Celui qui s’amuse le jour de son anniversaire : moi, le rédacteur
de cet article.
Sans
rancune, vivement mars 2014.
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