Les articles que je classe dans la série “Un peu de moi” n’ont aucune connotation politique. Ils appartiennent tout simplement à aucune autre catégorie de ce blog ou d’un autre que j’ai pu animer ou anime encore et à aucun projet. Ou tout au moins celui-ci n’est-il pas encore né. C’est juste un besoin de témoigner. D’écrire.
Un peu de philosophie ne nuit à
personne, même si ce court article relève plus de la philosophie de cuisine ou
de comptoir que de la philosophie de Kant et autres grands penseurs ou
intronisés comme tels. Mais, que voulez-vous, mes penseurs relèvent plus de
Frédéric DARD, Pierre DESPROGES, Jean-Jacques GOLDMAN ou Michel AUDIARD que de
Friedrich NIETZSCHE, Pierre DESCARTES, Jean-Jacques ROUSSEAU ou Michel DE
MONTAIGNE.
Je randonne. Donc je marche. Donc
je pense (quand on marche, à part se préoccuper de mettre un pied devant
l’autre et regarder le paysage, on n’a pas grand chose à faire d’autre). Donc
je suis. Enfin, j’étais avant et serai encore demain si Dieu me prête vie (vous
pouvez remplacer Dieu par quelqu’un d’autre ou autre chose, ça ne m’offusquera
pas, mes croyances religieuses ne relevant que de moi). Donc comme je suis, que
je pense, que je marche et que je randonne, je me suis longtemps interrogé, un
jour de pluie en suivant le sentier côtier de Bretagne, entre Landévennec et
Lanvéoc, lançant lentement un œil sur la mer en tirant la langue et espérant la
lande, me languissant d’un lit après une bonne lampée de soupe (redondance
pauvre de cette syllabe de trois lettres). Sur quoi ? Sur ce sujet digne
du baccalauréat : l’information fait-elle le bonheur ?
Je ne vais pas traiter cet
intéressant sujet propice à me créer une migraine si je le fais comme un
philosophe. Encore moins comme un professeur débutant en milieu hostile ou
comme un vieil enseignant désabusé en fin de carrière devant un parterre de
boutonneux, plus souvent intéressés par une nouvelle application sur leur
Smartphone que de leur avenir. Je vais juste le faire comme un randonneur.
Comme un homme. Ou une femme si j’avais compté au rang de nos soeurs, mères,
copines, amantes, maitresses, ...
Il y a longtemps, dans un temps
que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et que les lobotomisés du
cerveau ont oublié, internet n’existait pas. Si, si : il y a eu un début.
Le minitel, par exemple, avec ses 3615 code “Ulla” ou “Kinenveu”. Il y a même
eu un temps où la télévision était en noir et blanc (chez mes grands-parents et
dans beaucoup de familles, françaises ou non), avec trois chaines seulement et
une fin des programmes avant minuit. Une fin que je ne voyais pas puisque cela
m’était interdit : trop jeune. Ce que je niais à l’époque mais pas mes
parents ou mes grands-parents. En ce temps là, l’information se résumait au
journal de 20 heures à la télévision et les infos à la radio. Pour les
journaux, j’ai longtemps cru qu’ils servaient juste à emballer les épluchures
de ma grand-mère ou à alimenter le tiercé de mon grand-père. J’oubliais un
grand rendez-vous, celui du mardi soir : “Les Dossiers de l’Ecran”. Pas
pour le débat : trop tard. Et pas intéressant pour moi. Mais pour le film.
Puis les radios se sont libérées, la télévision s’est multipliée en de
multiples chaines et internet est apparu... D’un coup, l’information a... explosée ! Fin des années 80, en un temps
(bis repetitae de l’expression) où une jeune femme pouvait se dénuder à la
télévision à une heure de grande écoute sans provoquer un tollé d’injures, un
débat à l’Assemblée Nationale ou, pire encore, des bombes ou l’autocensure, je
suis devenu animateur de radio (Radio Birette, la Radio du Pays, sur le 97.6 de
la bande FM berrichonne) et j’ai découvert les dépêches de l’AFP (Agence
Française de Presse), avec leur flot d’informations fades, sans interprétations,
explications, compassions, génuflexions. L’avantage était cette froideur. Pas de sentiment.
Maintenant, on en met partout. Normal : nous sommes humains. Il nous faut
croire, s’indigner, pleurer, rugir, hurler, applaudir. Vivre. Mais le sentiment fausse l’interprétation.
Sans compter que celui qui nous la transmet la modifie lui-même, même sans le
vouloir. Ou en le voulant... Voilà l’ennemi : nos sentiments et ceux de celui qui
nous informe.
Prenez un exemple : la photo
d’un enfant syrien sur une plage grecque. Au départ, on a juste un
constat : le corps d’un enfant sur une plage, face contre terre. On
apprend plus tard qu’il s’agit de celui d’un petit migrant syrien mort noyé,
rejeté sur une plage grecque. Puis tout s’enchaîne. On cherche les parents. On
veut connaître son histoire, à défaut l’inventer. Sans compter que l’on peut se
tromper. Que l’informateur, même à son insu, comme Richard VIRENQUE, à l’insu
de son plein gré, peut se tromper. Puis cet informateur, journaliste ou pas,
donc formé ou pas aux dangers de l’information, raconte l’histoire. Avec son
savoir, sa culture, ses idées, ses croyances, ses peurs, ses convictions. Il y
a quelques années existait un programme télévisuel appelé “No comment” :
des images sans commentaire que l’on recevait en zappant. Un autre dans le même
ordre laissait les “acteurs” de la scène raconter eux-mêmes ce qu’ils voyaient,
pensaient, vivaient. Le premier nous semblait fade. Le second presqu’autant,
avec le son en plus. Par certains côtés, nous nous regardions. Il nous faut un
commentaire. Des explications. Du rêve. Des sentiments... Cela étant, me
diriez-vous, ces derniers peuvent être heureux. Oui. Mais dans ce cas là, on se
regarde les tribulations de Bridget Jones ou d’Amélie Poulain. Notre condition
veut autre chose : elle veut que nous constations par nous-mêmes, même si
on nous manipule, consciemment ou inconsciemment, que nous ne sommes peut-être
pas heureux mais que d’autres le sont encore moins. Parfois, je me demande même
si les pouvoirs en place ne cultivent pas cela, si chaque strate de la
population, du plus haut au plus petit d’entre nous, ne s’emploie pas à le
cultiver dans la strate inférieure. Pas réjouissant. Pessimiste ? “Les
gens heureux n’ont pas d’histoire”, écrivait un auteur dont j’ai oublié le nom.
Comment lui donner tort ? Vous vous voyez regarder un film ou lire un
livre dans le lequel le héros rencontre l’héroïne, qu’ils s’aiment, s’épousent,
ont des enfants, font construire une maison après que chacun ait rapidement
trouvé un emploi, ont un chien et dont le seul malheur fut d’arriver en retard
à l’école un matin d’avril ? Horreur : on dirait un épisode de “La
Petite maison dans la prairie” sur un scénario de Soeur Emmanuelle. Mais alors,
sommes-nous condamnés à ne voir, entendre, lire que des informations
malheureuses ? Je le crains. Surtout avec internet et les... algorithmes.
Les algorithmes. La dernière
invention du monde de l’internet. Ou l’avant dernière. Ou celle d’avant, peu
importe : je ne suis même pas sûr que le mot soit bon. Qu’est qu’un
algorithme sur internet ? Le fait de vous adresser des propositions
évidemment séduisantes et coûteuses après que vous ayez créé une première
recherche. Pour exemple : j’aime les chats et, plus généralement, les
animaux et suis adhérent passif mais payant de trois associations en lien avec
le monde animal. Sans compter les nombreuses pétitions que je signe sur le
sujet sur internet. Depuis, je reçois plusieurs fois par jour des informations
sur le sujet sur ma page Facebook et sur mon courriel personnel. Autre exemple :
les soirs de spleen, je m’amuse à chercher un château à vendre en Auvergne, en
Bretagne ou en Dauphiné, évidemment à moins de 100 000 €uros, voire encore
à moins selon travaux. Je sais, ça n’existe pas mais j’ai le droit de rêver,
non ? Immanquablement, pendant quelques jours, j’aurais sur mes adresses des
propositions de châteaux, voire de maisons et d’appartements. Mais alors, me
direz-vous (si, si : je vous entends), pourquoi ne cherches-tu pas des
informations plaisantes susceptibles de t’apporter du bonheur ? Une idée
pertinente (je sais que j’ai des lecteurs intelligents). Je vais essayer.
Mais quand je vais allumer ma
radio ou mon poste de télévision ? Surtout pour les informations. Je vais
y entendre et voir les mêmes horreurs... Dans les journaux et sur internet, je
vais y lire les mêmes malheurs. C’est sans doute par rejet de tout cela que j’ai
monté une entreprise et me suis lancé en politique : le souci de vouloir faire
mieux que mes frères et soeurs du passé et du présent pour un meilleur avenir. J’en
connais qui voudraient bien que cela cesse pour l’une ou l’autre, voire les
deux. Rien de plus facile : il m’achète l’une et je pars vivre l’autre
ailleurs. Mais je n’en suis pas encore là. Pas encore... Ce qui est certain est
qu’il arrivera un temps où, par souci de bonheur, je vivrai comme une autruche,
ne lisant plus que des livres et des bandes dessinées plaisantes, qui finissent
bien, regardant des films heureux, écoutant des émissions joyeuses et fuyant
les informations, fuyant une information qui n’amène que le malheur...