Je vais encore me faire des
amis... Les manifestations agricoles de ces derniers temps, ma rencontre avec
un agriculteur la semaine passée, plutôt hostile à ces dernières, le souvenir
de longues discussions avec les cousins de mon ex femme, éleveurs de vaches à
viande en Creuse, un long entretien avec un de mes anciens salariés
intérimaires devenu agriculteur du côté de Loches, en Indre-et-Loire, lors du
départ en retraite de son père, et les différents documents que j’ai pu lire,
écouter et voir sur différents supports sur le monde agricole et l’économie
m’ont inspiré les réflexions que je vous livre ce jour.
La première est sur
l’installation d’un agriculteur. Premier investissement : la terre. Selon
le Ministère de l’Agriculture, 1 hectare de pré ou de champ coûtait, en région
Centre-Val-de-Loire, en 2014, 5 230 €. Si l’on compte qu’une ferme doit au
moins en compter 100, le prix global d’investissement sera de 523 000 €. A
cela, ajoutons un tracteur. A titre d’exemple, j’en ai pris un d’occasion sur
le site Agriaffaires, de marque Claas, propriétaire des engins agricoles
Renault, modèle Xérion 5000. D’occasion, en 2010, je l’ai trouvé à 175 000
€... Je n’ose penser ce qu’il vaut neuf. Pour aller au plus vite, il faudra à
notre nouvel agriculteur des outils, peut-être une remorque ou d’autres engins,
des locaux, du matériel de gestion. Et ça avant même de produire ! Pour la
production, il faudra soit acheter des semences, soit acheter des animaux, soit
souvent les deux. L’investissement dépasse vite le million d’€uros pour un
rendement assez faible par rapport à d’autres placements (ce qui explique,
entre autres, la frilosité des banques et le peu de présence, voire l’absence
d’investisseurs privés comme les compagnies d’assurances, les fonds de
placement, un simple quidam mû uniquement par l’appât du gain). La plupart des
agriculteurs d’aujourd’hui sont soit des héritiers, soit des locataires, ne
serait-ce que de leurs parents, frères et soeurs, oncles et tantes, cousins,
... , mais tous des emprunteurs. Peu n’appartienne à aucune de ces
catégories. Face à un investissement si lourd et souvent constant, il leur faut
vendre beaucoup et bien. Mais ils sont aujourd’hui sur un marché de plus en
plus concurrencé (c’est NOTRE volonté à TOUS : nous voulons tous tout,
tout de suite, où on le veut et pour le moindre prix ; nous sommes TOUS
nos premiers fossoyeurs !).
Sur le fonctionnement maintenant.
Lors de mes premiers cours d’économie, en 4ème, j’ai appris qu’il
n’existait que deux façons pour une entreprise de croître face à un marché sans
cesse en mouvement et une clientèle de plus en plus versatile : soit elle
croit horizontalement, soit verticalement.
Croître horizontalement, pour un agriculteur, c’est grossir en
achetant ses confrères et néanmoins concurrents. En agriculture, on les appelle
des agri-managers. Peu, voire aucun ne manifestait la semaine passée. Avec la
mondialisation, si l’on suit cette technique, il aura de plus en plus fort à
faire. Dans le cadre de cette politique, on trouve les appellations d’origine
protégée pour limiter l’effort à faire. Bien. Mais ici aussi, la technique a
ses limites. Ainsi nos amis grecs avec leur feta... que tous les éleveurs ovins
et caprins peuvent faire, en Grèce, en France, aux Etats-Unis, ... Et nous ne
sommes pas mieux avec notre champagne. C’est bien mais il faut mieux encore.
Croître verticalement, c’est, pour notre agriculteur, acheter ses
fournisseurs ou maîtriser jusqu’au consommateur final. J’ai vu à la télévision
la semaine passée un reportage sur un jeune éleveur de bovins de la Marne qui a
ouvert cette année une boucherie à Paris pour ses propres produits. Et cela
semblait fonctionner, mettant en avant un travail réel de qualité, donnant des
conseils, présentant tout autrement sa production, le tout avec un prix quatre
fois supérieur à ce qui se pratique dans le voisinage. Sans aller jusqu’à cet
extrême, quelques éleveurs l’ont compris en vendant leurs produits finis à la
ferme ou sur des marchés.
Les problèmes des agriculteurs ne sont pas
différents de ceux des autres chefs d’entreprise. Surtout des
petits, à la frontière d’un seuil de rentabilité laminé par des décisions
d’Etat, pavées de bonnes intentions comme l’est l’Enfer (charges sociales,
compte de pénibilité, normes diverses, ... la liste est si longue qu’il me
faudrait plusieurs pages pour les citer, le tout en constante mutation et sans
application claire, pour le plus grand bonheur des juristes). Pourtant, des
solutions existent mais il faudrait qu’il existe aussi dans notre pays un
politique courageux : la diminution drastique du nombre de normes, la
baisse et la rationalisation des charges sociales pesant sur les seules
entreprises et leurs salariés, l’application de toutes les lois, normes et
charges à l’Etat comme il le demande aux entreprises (l’expérience des 35
heures ou du Congé Individuel de Formation en sont des exemples amers), la
création d’un Small Business Act à la France comme les Etats Unis le font
depuis plus de 50 ans, la généralisation de ces décisions à l’Europe entière,
avec une politique sociale et fiscale identique pour tous, ... Un doux rêve...
Mais la France était un rêve avant d’être, l’Europe était un rêve avant d’être.
Et rien ne nous empêche d’y travailler. Tous. A commencer pas nos élus.
Le monde ne peut changer que derriere une revolution ???
RépondreSupprimerJ'ose croire que non... Mais il faudrait à notre pays de véritables réformes, menées par des gens compétents et courageux. Surtout courageux. Notre monde partage un ensemble de connaissances et d'exemples propres à être mis en œuvre. Et rien ne se fait... Ou si peu.
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