Il a fallu que la mer rejette le
corps d’un petit garçon sur une plage, face contre sable, pour que nous en
prenions conscience. Il a fallu qu’un militaire turc, fébrile d’impuissance,
s’en approche et le recueille pour que nous en prenions conscience. Il a fallu
qu’un photographe, soucieux de témoigner ou de faire un scoop, peu importe,
fige une image et la diffuse pour que nous en prenions conscience. Il existe des migrants.
Il y a toujours eu des migrants
et il y en aura toujours. Qu’ils soient des émigrés (ceux qui partent de chez
eux, de chez nous) ou des immigrés (ceux qui viennent de chez eux chez nous
pour que ça devienne, pour un temps ou pour toujours, chez eux, chez nous), que
ce soit pour des raisons de guerre, économiques, climatiques ou parce qu’ils
s’imaginent, à tort ou à raison, que c’est mieux chez nous que chez eux. Est-ce
bien ? Pour eux ou pour nous ?
Est-ce bien pour eux ? A mon
avis, s’ils avaient pu rester chez eux,
ils l’auraient fait. Les immigrés syriens ou irakiens étaient peu nombreux
avant les guerres du golfe et la guerre civile syrienne. D’autres peuples, que
l’actualité oublie peut-être parce qu’il y ont moins de problèmes de guerre,
économiques ou autres les ont précédés, comme les libanais, les italiens, les
espagnols, les algériens, les... Pour certains, ils ne lisent aujourd’hui leur
origine étrangère que dans leur nom, même plus dans leur mémoire. Est-ce bien
pour eux ? S’ils le pensent, sans doute. Pour éviter la guerre, la famine,
la misère, la maladie, à terme bref la mort, ailleurs est toujours mieux.
Est-ce bien pour nous ? Sans aucun doute : oui.
D’abord pour raisons humaines, ensuite pour raisons économiques. Nombre d’élus
et dirigeants l’ont compris, en Allemagne, en Suède, en France, ailleurs. Pour
une partie d’entre les migrants, certains sont médecins, infirmiers, ingénieurs
mais aussi maçons, boulangers, couturiers, ... La majorité des migrants adultes
ont un savoir et un savoir-faire qui nous manquent parfois mais qui s’ajoutent
sûrement aux nôtres. Qui, à Vierzon, refuserait un médecin supplémentaire,
qu’il soit syrien, irakien ou érythréen ? Qu’il soit chrétien, musulman ou
yazidi ? Qui, en France, refuserait un ingénieur, un maçon, un... ?
Je connais déjà des esprits chagrins, surtout peu informés, qui vont me
dire : “Nous comptons déjà plus de 3,5 millions de chômeurs et vous voulez
en accueillir de plus ?”. Fort de plus de 25 ans de travail dans l’emploi,
je ne m’inquiète pas du chômeur qualifié, par le diplôme ou l’expérience :
il trouvera du travail. Peut-être pas celui qu’il veut, au salaire qu’il veut
et là où il veut. Mais il en trouvera. Souvent au prix de formation, qu’elle
vienne de lui (les bibliothèques ne sont pas uniquement des lieux de culture et
d’activités ludiques) ou d’autrui. Il en trouvera. Celui qui m’inquiète
le plus est le chômeur sans qualification, peu motivé (et de moins en moins
avec le temps) : c’est celui-là qui a le besoin de plus d’aide autre que
financière. C’est celui-là dont doit s’occuper en priorité Pôle Emploi et les
services publics de l’emploi. A ce titre, nos migrants, une fois formés à notre
culture française et républicaine (langue, lois et usages courants), une fois
reconnus autorisés à travailler (d’expérience et selon les dires des
responsables des Cada, il faut en moyenne plus de trois ans avant que les
instances administratives se soient décidées : beaucoup trop long),
peut-être éduqués à un métier, je ne doute pas de leur intégration.
Cette position n’est pas
cependant sans me poser d’autres questions, notamment sur les pays d’origine
des migrants. A plus ou moins brèves échéances, la guerre civile syrienne va
s’arrêter, l’Etat Islamique, composé d’opportunistes mafieux et de musulmans
d’opérette qui ont appris le Coran au travers de bandes dessinées, va
disparaitre, l’Erythrée va éliminer ses oppresseurs mais qui sera là pour aider
ces nations à se reconstruire ? Leurs émigrés d’aujourd’hui ? Pas
sûr... En ce sens, il faut aider chaque pays à se pacifier et à se développer.
Pas facile. Mais rien n’est facile...
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