Le football nous réserve chaque
année quelques surprises. L’une des plus prisées du grand public se déroule
immanquablement pendant la Coupe de France. Pendant cette épreuve, tous les
clubs de France peuvent s’affronter. A ce titre, il existe toujours un “petit
Poucet”. Certains se sont même hissés en finale. Sur les années de ce troisième
millénaire, trois clubs de ligue 2 (Guingamp en 2009, Sedan en 2005,
Châteauroux en 2004), deux clubs de ligue nationale (Quevilly en 2012 et Amiens
en 2001) et un club de CFA (Calais en 2000) sont parvenus à jouer cet ultime et
prestigieux match. Et s’ils nous tiennent tant à coeur, c’est que ces “petits”
sont nos David contre Goliath, la revanche des “sans dents” contre les nantis,
la preuve que le coeur a plus de force que le porte-monnaie.
Cette année, un club a fait plus
fort encore : Luzenac. Luzenac : 551 habitants, un enfant célèbre,
Fabien BARTHEZ, goal champion du monde de football en 1998, son usine de talc
et les Pyrénées en toile de fond. Et un club de football. Un club d’entreprise,
devenu club de village, puis club de pays, créé dans le bourg en 1936, qui
aurait pu en rester là mais qui s’est patiemment illustré en divisions
d’honneur et nationale. Puis, lors de la saison 2012-2013, le petit club a créé
plus qu’une surprise : il n’a pas été le héros d’un jour ou d’une épreuve,
il a été le héros d’une saison. Par le talent de ses joueurs et la volonté de
ses dirigeants et collaborateurs, le petit club de village a gagné son ticket
pour jouer dans la cour des grands, des professionnels de ligue 2.
Chapeau !
Mais c’est à croire que nos
élites n’aiment pas les “petits”, les “sans dents”. Après maintes tracasseries,
plus juridiques que sportives, Luzenac ne jouera pas en ligue 2. Plus fort encore,
il ne jouera plus nulle part... Une honte : l’argent a gagné, le sport a
perdu.
Photo La Dépêche du Midi |
Je ne peux m’empêcher de faire un
parallèle avec le monde de l’entreprise, avec le monde de l’emploi. Si vous
êtes petit, même si vous êtes bon, vous serez toujours limité par un plafond de verre avec la complicité de
nos “élites” : les “patrons” des grands groupes, des directeurs appointés
comme des stars du ballon rond, et les élus nationaux n’aiment pas qu’un
artisan, qu’un vrai “patron”, un homme (ou une femme) qui travaille dans son
entreprise et y ait placé ses économies ou ses dettes, surtout ses dettes,
vienne jouer dans leur cour. En France, le phénomène est encore plus criant
d’injustice : les politiques inventent des seuils de taxe, de contraintes
sociales et les grandes entreprises inventent des accords cadre, interdisant
tout recours en dehors de ces derniers, au besoin des normes qualitatives.
Les américains ont inventé, il y
a plus de 50 ans, le Small Business Act pour réserver une part de leurs marchés
aux “sans dents”. Ils ont, en partie grâce à cela, préservé leur économie,
leurs emplois. Et nous, français, nos élus en parlent... mais ne font rien.
Alors que ce serait si simple de supprimer les seuils, inutiles et ne faisant
que le jeu d’une minorité, et de mettre en place une politique réservant 10 à
20% des marchés publics et privés à des TPE et PME employant moins de 250
salariés et n’appartenant pas à un grand groupe. Ce sont des mesures que l’on
peut discuter et améliorer mais ce serait une mesure de création d’emplois
parce que les lois de la concurrence pourraient réellement produire leurs
effets. Un peu comme la loi obligeant les médias à diffuser un minimum de
chansons francophones a sauvé notre culture et nous a permis de découvrir tant
et tant de talents. Pourquoi pas une loi
de discrimination positive pour les entreprises ?
Mais le syndrome de Luzenac ne
frappe pas que les entreprises et l’emploi : il nous frappe tous. Qui sont
ceux qui nous gouvernent, que nous élisons comme si les dindes élisaient le
boucher qui va les tuer ? Des personnes issues de l’ENA, des grandes
écoles mais souvent venues des mêmes cercles familiaux : les fameuses
C.S.P., Catégories Socio-Professionnelles. En sortir n’est pas aisé et rare.
Tout juste peut on passer, de génération en génération, d’un cercle à l’autre.
Le plafond de verre, celui qui nous donne l’illusion que tout est possible, est
solidement arrimé. Est-ce possible de changer cela ? Peut-être. Dans les
pays scandinaves, leurs élus ont créé une loi de discrimination positive pour
que les femmes accèdent aux responsabilités. En France, on continue à se
lamenter d’année en année comme quoi rien n’est fait. Ou si peu. Et surtout nos
élus veulent l’imposer au secteur privé en se gardant bien de se l’appliquer à eux-même.
La composition du Parlement est criant d’injustice : le nombre d’hommes le
composant est sans commune mesure avec leur part dans la population française.
Si l’on retient comme indice les C.S.P., c’est encore pire. Après cela, comment
s’étonner que tant de français s’éloignent de notre démocratie, de leur
démocratie ? Comment un énarque peut-il comprendre les affres d’un
chômeur, lui qui n’a jamais connu le chômage, pour certains qui n’ont même
jamais cherché un emploi ? Et comment nombre de français peuvent se sentir
représentés par quelqu’un qui ne les connait pas, qui n’a pas partagé leurs
joies, leurs doutes, leurs peines ?
J’aurai vingt ans de moins, je
suivrai le conseil d’une des vedettes des années 80, 90 et d’aujourd’hui
encore, Jean-Jacques GOLDMAN, dans sa chanson “Là-bas”, j’aurais créé mon
entreprise, ma vie, là-bas, dans un “libre continent sans grillage”.
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