Je suis fils de carrossier. D’un
ouvrier carrossier devenu patron. D’une carrosserie. J’ai été élevé, avec ma sœur
et mon frère, dans l’arrière cour, au milieu des épaves et des automobiles en
attente de réparation, avec le bruit des marteaux (des battes le plus souvent),
des meuleuses, des ponceuses et autres outils.
En carrosserie, l’œuvre est le
résultat attendu : la réparation d’une aile de voiture, voire
la création, le plus souvent à partir d’un plan, à tout le moins d’un croquis,
d’une pièce déterminée, élément d’une autre ou réalisation définie, terminée.
L’œuvre ne peut être réalisée que
par la main,
avec ou sans son excroissance, sa prolongation qu’est l’outil. Je ne compte plus le nombre
de fois ou j’ai vu mon père caresser une pièce d’auto et reprendre son ouvrage,
le cas échéant, avant de le contrôler à son terme, hier avec un mètre,
aujourd’hui avec des outils électroniques. Enfant, il me disait parfois que peu
importe l’outil, que seul le résultat compte. Il aurait pu, dans mes yeux de
minot, redresser un capot à coups de poing mais c’était plus facile avec une
batte ou un marteau à planer avec tas que sans.
Mais la main, l’outil n’est rien
sans le cerveau qui la dirige. Celui de l’ouvrier. J’enrage toujours
à entendre aujourd’hui “L’informatique ne marche pas”. Un peu comme si on
disait que la batte de ne fonctionne pas : ce n’est pas l’outil qui est en
cause, le plus souvent, c’est celui qui l’utilise. Un mauvais ouvrier, même avec le meilleur outil
du monde, ne fera pas une belle œuvre, voire pas d’œuvre du tout.